La Loi C-21 a marqué l'arrivée, en santé et sécurité au travail, de la responsabilité criminelle du donneur d'ouvrage en rapport avec la santé et sécurité de ses employés. Comme vous le savez, elle permet la poursuite d'une organisation, de ses agents et de ses cadres supérieurs en cas de manquement en matière de santé sécurité, à l'éventualité d'un décès ou d'une lésion corporelle. Depuis l'existence de cette loi, il va sans dire que le département SST possède d'excellents arguments pour convaincre les cadres de ne pas négliger la sécurité des travailleurs.

Or, l'attitude de certains coordonnateurs SST est parfois d'effectuer des recommandations aux cadres et de les laisser décider de leurs actions en ce sens. Après tout, ce n'est pas le coordonnateur qui a le gros bout du bâton. C'est cependant une attitude qui risque de changer depuis le jugement survenu dans l'affaire R.V. Della Valle, dans laquelle la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse a reconnu coupable un coordonnateur en santé et sécurité d'avoir manqué à la protection des travailleurs. Celui-ci avait pourtant, suite à des préoccupations d'un employé, fait réaliser une analyse de la situation problématique et avait soumis les recommandations à deux surveillants de l'entretien, en présumant que ceux-ci traiteraient le problème. Il était dans l'erreur, puisque 6 mois plus tard, rien n'avait été fait pour régler le problème.

Malgré qu'aucun décès ou lésion ne soit survenu suite à cette négligence, l'étude de ce cas nous apprend que le devoir du coordonnateur à l'égard de la sécurité des employés et du public est bien plus vaste que de seulement émettre des recommandations sur les situations qu'il juge problématique. En effet, un suivi très serré du cas aurait dû être effectué. Le jugement va d'ailleurs loin en ce sens, en précisant ce que le coordonnateur aurait dû entreprendre comme action :

[53] Steps that Mr. Della Valle[1] should have undertaken include: 

A. Immediate notification of Ms. McKeough[2] of the contents of Mr. Muggah[3]’s report of October 25, 2005.  Given the knowledge possessed by Mr. Della Valle, Mr. MacNeil[4], Mr. Routledge[4] and Mr. Leudey it is astounding that Ms. McKeough was kept in the dark about this situation until April 2006. 

B. Following up directly with Mr. MacNeil and Mr. Routledge to determine whether and to what extent they had acted on Mr. Muggah’s recommendations 

C. Attending and reporting to one of the monthly JOHS meetings about the presence of asbestos in the units 

D. Instigating a formal hazard assessment for any work or activity which might involve an employee of CBIHA entering the attic or disturbing the insulation from below. 

[54] To this list I might add (lest he had misgivings about Mr. Muggah’s advice) that there was additional information publically available from Health Canada and the Department of Labour on how to deal with this material when found in residential premises.

*[1]Coordonnateur SST
*[2]Son superviseur
*[3]Le rédacteur du rapport
*[4]Les surveillants de l'entretien

En somme, il faut comprendre que la mentalité de "j'ai fait mon travail, ça ne me concerne plus" n'existe plus en sécurité au travail. C'est simple : toute personne responsable de la sécurité des travailleurs et du public doit se sentir concernée par un problème de santé sécurité tant que celui-ci n'est pas réglé. J'ajouterais également qu'il est crucial de conserver un suivi des démarches entreprises, quitte même à effectuer des compte-rendus de conversation sur papier. On ne sait jamais quand la responsabilité peut nous retomber sur le dos... Dans le présent cas, aucun incident grave n'est survenu, et le coordonnateur s'en est sorti avec une amende de 1000$. Tant mieux pour lui, car une fois sa responsabilité prouvée, il aurait pu payer très cher sa négligence. Aussi, bien qu'il s'agisse d'un jugement survenu en Nouvelle-Écosse, tout indique que les dossiers d'accident de travail commenceront à basculer de plus en plus dans le code criminel, au fur et à mesure que la jurisprudence sera établie. Il faut donc éviter de se croire à l'abris. Menez à terme vos dossiers SST, coordonnateurs !

Références

http://www.fasken.com/fr//Publications/Detail.aspx?publication=6253
http://www.courts.ns.ca/decisions_recent/documents/2011nspc67.pdf
http://www.asstsas.qc.ca/Documents/Publications/Repertoire%20de%20nos%20publications/OP/op294016.pdf
http://business.financialpost.com/2012/02/10/health-and-safety-coordinators-at-risk-of-prosecution/